dimanche 27 novembre 2016

Pouvoirs illimités

Je me suis trompée de verre dans une soirée.

Un texto avec cette phrase vers 1h35 du matin suffirait à inquiéter tous ceux qui me connaissent. Pour les autres, je m'explique : après avoir été alcoolique pendant un certain temps (putain, je savais que c'est dur à dire, mais à écrire... Gravé sur le net ) , j'ai arrêté de boire il y a 1an environ.
Et voilà qu'à une semaine de fêter mes 1 an de sobriété, je me trompe de verre dans une soirée. Y avait pas que du coca dans celui là. Et bim ! Tu l'attendais pas celle-là  hein ?:)
Moi qui trouvait pas d'excuse valable pour me la coller, voilà que ça vient comme ça, comme un contrôle surprise en cours de maths. Un test.
Alors je me suis dis « Merde, là du coup je pourrais me la coller sévère ». Mais en fait non.
Ca parait débile et lâche, de replonger pour une étourderie, mais faut bien comprendre que pour un addict y a pas de demi mesures. C'est pas comme pour un régime genre « Oh une fois de temps en temps ».On peut comparer ça à la cigarette, on glisse facilement d'un verre à une bouteille dans la journée, après des années d'abstinence. Je l'ai vu chez un mec après 25ans d'abstinence. On rebois comme au dernier jour.

Pendant un an mon credo c'était « Quoi qu'il arrive, tu ne bois jamais ». C'était presque facile et c'est une méthode que je conseille à tous les gens qui essayent d'arrêter quelque chose. Il y a un monde entre jamais et pas. Cette différence c'est la possibilité. D'ailleurs je dis souvent cette phrase « ce n'est pas une option pour moi ».

Bon, ben hier il a fallu se confronter à la partie cachée de l'iceberg. 
Maintenant que j'ai bu, qu'est-ce qui fait que je ne bois pas ?
Il faut savoir que pour les alcooliques, comme pour les autres drogues, y a un truc un peu ritualisé. On a la date où on « pose le verre », notre anniversaire, et on compte les jours, chaque jour étant une petite victoire. Y a même des applis pour les abstinents, avec le décompte de ta sobriété, en minutes, heures, jours, mois, ans... Que tu mets à zéro quand t'as craqué. Jme demande si y a une petite phrase de consolation quand tu fais ça. Ou des petites notifications de félicitations ou d'encouragement.

Moi j'aimerais bien oublier que je suis abstinente, être juste comme une personne qui ne bois pas (si si, y en a) mais c'est pas possible pour l'instant. Je le sens en moi, tout le temps. Comme si j'avais une maladie, ou une jambe en moins. J'oublie jamais, et j'ai une épée de Damoclès au dessus de la tête. Même si cette menace s'estompe avec le temps, et en fonction des situations.

Donc je disais, c'est tout ou rien. C'est à tel point radical que le corps médical a du mal à instaurer l'idée du faux pas dans la tête des alcooliques abstinents. Parce que ça peut arriver, de se tromper de verre, de manger un mon chéri, que quelqu'un t'enfonces un entonnoir dans la bouche et vide une bouteille. C'est pas pour autant qu'il faut tout lâcher, tout gâcher.

Le faux pas c'est la situation qui te mets face au choix. C'est quand tu t'arrêtes sur le palier et que tu décides si tu vas y aller ou faire demi tour et rester chez toi.
Donc là j'étais sur ce palier, en plein milieu d'une soirée avec pas que des softs, et je me suis posée la question. Mais en fait ce sont de faux choix, quand tu rechutes c'est que t'as pas eu le choix.
Mais j'avoue c'était pas facile de perdre l'argument de la radicalité.

Donc, si mon abstinence ne tient pas au fait que je ne bois pas, à quoi tient-elle vraiment ? Parce que j'avoue j'étais vraiment dég' et je me suis posée la question. Mais je pouvais pas me faire ça. Parce que même si dans mon cas c'était limite vital, la sobriété m'a aussi apportée des trucs auxquels je m'attendais pas. Du coup je vais vous faire une petite rubrique
« Le saviez-vous ? »

Alors je pourrais vous dire
« C'est mauvais pour la santé » « ça détruit les neurones » « vous allez avoir une jolie peau » mais si vous êtes comme moi, vous vous en branlez un peu de tout ça, vous voulez juste vous sentir en vie et vous amuser.

J'imagine vous vous dites « moi ça me concerne pas, je suis pas alcoolique » certes, mais ça peut servir. Bien manger c'est pas bon que pour les gros.
Attention, moi j'incite personne à arrêter de boire. Chacun fait ce qu'il veut, c'est pas ma guerre. En plus j'ai rien contre l'alcool, je trouve ça plutôt marrant pour les gens qui ont pas de problèmes avec ça.
Mais beaucoup de gens ne savent pas qu'ils ont un problème avec ça. L'alcoolique c'est pas que le clodo dans la rue avec sa 86, ou le père de famille qui bat sa femme et ses enfants. Après j'avoue y a des degrés. Mais ma mère disait
« celui qui a besoin boire, ne serait-ce qu'une fois par an, est un alcoolique ».
Je comprenais pas ce qu'elle disais, je trouvais qu'elle exagérait. Mais en fait tout est dans le
« besoin ». Quand t'as pas le choix, c'est une privation de liberté, aussi infime qu'elle soit. Et autour de moi, je vois beaucoup de gens qui sont finalement obligés de se la coller, une, deux, trois fois par semaine. Ou boire un verre de vin à un dîner quand y en a sur la table. Mais c'est tellement banalisé qu'on s'en rend même pas compte. Alors posez-vous juste la question de savoir si vous avez vraiment le choix. C'est comme pour la drogue, c'est « l'appel », celui qui fait que quand quelqu'un te proposes un joint ou un rail de coke, tu peux pas refuser.
Moi quand j'ai entendu une pote répondre à un dîner
« Mmmh je sais pas si je veux un verre de vin, je vais peut être prendre le l'eau » comme si on lui proposait un dessert, je me suis dis que ça c'était un rapport sain à l'alcool.

Le truc que j'ai appris c'est qu'on est plus forts que ce que l'on croit. S'en rendre compte est assez kiffant. Je parle pas que de la force face à l'alcool. Vous allez vous rappeler que vous avez des pouvoirs innés.
Moi pendant ma cure, j'ai recommencé à rire. De gros fou rires avec les autres patients, mes acolytes alcooliques sobres, juste en racontant des conneries. On se l'est dit d'ailleurs « putain ça fait des années qu'on n'a plus ris comme ça ». On avait oublié.
Une fois qu'on a associé l'alcool à la fête, et à certains comportements, on oublie simplement qu'on peut faire sans, voire on oublie comment faire sans. Mais je vous assure, vous pouvez danser, draguer, cracher, gueuler, vous battre, pisser dans la rue, sans alcool. C'est pas pour rien qu'on appelle l'alcool du « courage liquide ». Mais testez votre courage à vous. Surprenez-vous, c'est un sentiment génial.

Quand je vais en soirée, et qu'au bout du troisième
« Ben alors ?On boit pas ce soir ? », « Allez, juste un verre » voire du « Oh t'es pas marrante !... et que je dis que je suis abstinente (j'avoue en vrai des fois je le dis sans qu'on me demande rien, juste par fierté ) la plupart des gens me trouvent courageuse. Pas tellement courageuse d'avoir arrêté, mais courageuse d'être là. En apero, en soirée, en club. Genre « ça doit pas être facile de supporter tout ça sobre».
J'avoue je comprends, moi aussi je me suis dis que j'irai plus jamais en soirée, que je pouvais mettre une croix sur certaines activités.
(putain on dirait que je parle d'un handicap, mais c'est un peu ça des fois). Mais moi je m'amuse très bien en soirée, j'y vais pas pour faire acte de présence ni pour prouver quelque chose.

Alors oui, pas tout le temps, mais mes bonnes soirées sont bien meilleures que quand j'étais arrachée, ça c'est sûr. Les mauvaises sont mauvaises, certes, mais j'ai pas peur de regarder mon téléphone le lendemain et j'ai pas besoin de faire l'autruche pendant une semaine. J'ai pas la gueule de bois, je fais des soirées de 12h sans rien prendre, et je sais que tout ce que je fais je me le dois, je déçois personne, et je fais de belles rencontres.
Et puis je m'amuse parce que tous les gens ne sont pas arrachés en soirées. Y a des gens qui boivent  raisonnablement, et tu peux te marrer avec eux. T'as pas que des relous qui te parlent de trop près, qui disent de la merde et te lâchent pas, et même eux ils me font rire maintenant.
La plupart sont plutôt sympas, voire tiennent étonnamment bien l'alcool. Mais ça on s'en rend pas compte quand on est arrachés parce qu'on voit pas vraiment ce qui se passe autour.

Beaucoup de gens ont du respect et me trouvent forte, un peu comme si eux-mêmes admettaient une faiblesse face à l'alcool. Bon moi clairement j'avais pas le choix, mais cette force que vous estimez vous l'avez. En fait souvent on croit qu'on en a besoin, un peu comme moi quand j'arrive pas à ouvrir les yeux tant que j'ai pas bu mon café du matin, alors que je sais très bien qu'il fait pas effet de façon instantanée. Et puis quand je dors chez quelqu'un et que y a pas de café, je finis bien par me réveiller.

Si l'alcool devient automatique, au final vous allez perdre confiance en vous. Vous n'allez plus savoir parler aux gens que vous ne connaissez pas, aller à un rencard sans boire, voire passer du bon temps sans alcool. Prenez des risques, faites les choses dont vous avez peur, sans aide et sans substitut, juste pour vous rendre compte que vous en êtes capables. Voire que vous pouvez apprendre à faire des choses. Et je dis pas ça que pour l'alcool.
Et si vous êtes comme moi et que vous aimez la sensation que ça vous procure, ce jemenfoutisme vulgaire, cette connerie, cette sérénité, sachez que vous l'avez en vous aussi. C'est pas aussi facile que de se mettre un coup de pied au cul, mais ça se travaille. Et surtout après vous pouvez l'être en toutes circonstances. 
Saoul sans alcool.

Alors je vous dis pas d'arrêter de boire pour de bon, mais si vous sentez que vous avez un problème avec ça, faites une soirée sans alcool. Juste pour authentifier votre liberté. Et pour ceux qui se la collent sévère, tentez au moins une soirée sans abus. Bon, commencez pas par aller en boîte de nuit, ou vous allez me haïr. Moi je le fais mais je suis barge au fond, et surtout j'ai pratiqué. Mais ça marche pas à tous les coups. Alors que si vous allez à une soirée entre potes, où y a des que vous connaissez, vous allez voir que la fête et la connerie c'est aussi dû à la nuit, à l'ambiance, aux fait que les autres sont désinhibés, et ça vous désinhibé, par procuration ou par mimétisme.
Et surtout n'abandonnez pas tout de suite, essayez vraiment. Moi le nombre de fois où j'ai failli partir au bout d'une heure et où je me suis forcée à rester, par persévérance ou curiosité, et où je suis rentrais à 6h du mat, après une pure soirée.

Alors j'imagine bien qu'il y en a qui vont invoquer « la connerie » genre, « je m'en branle, j'adore ça », l'autodestruction assumée, tout ça tout ça. Cet argument-là il est génial quand il est approprié et que c'est pas de la lâcheté ou de la bêtise. Et à l'invoquer à tort vous allez juste devenir un con, et pas dans le bon sens du terme.
Admettez un peu, y a pas de mal à dire qu'on y arrive pas, qu'on a des faiblesses, ça fait un bien fou de pas se mentir à soi-même et aux autres.

Sur ces belles paroles, voici une sélection de photos de la série "Strong is the new pretty" de Kate T.PARKER. Vous l'aurez compris j'ai un délire en ce moment avec la force, physique et mentale. Je pense sérieusement à me mettre au Krav Maga :)
























Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Liv yorre komment hir